JURISPRUDENCE : Forfait en jours – Charge de travail – Modalités du suivi – Entretien annuel

23 avril 2024

L’employeur peut-il se prévaloir de contraintes internes pour ne pas avoir tenu un entretien annuel de suivi de la charge de travail ? Quelles mesures doivent être mises en œuvre par l’employeur lorsqu’il est informé d’une charge de travail déraisonnable du salarié ?

Règle applicable : L’employeur doit s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié soumis à une convention de forfait en jours sur l’année est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail (C. trav. art. L. 3121-60). Les modalités de ce suivi sont (i) prévues par accord collectif (C. trav. art. L. 3121-64) ou (ii) à défaut de dispositions dans l’accord collectif, mises en place unilatéralement par l’employeur (C. trav. art. L. 3121-65). Le non-respect des modalités de suivi prive d’effet la convention de forfait et ouvre droit au salarié au paiement d’heures supplémentaires (Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-71.107).

En l’espèce, la Cour de cassation considère la convention de forfait jours est privée d’effet dès lors que :

  • les contraintes d’organisation interne de l’employeur (démission du directeur général à la fin de l’année) ne pouvaient justifier que le salarié ait été convoqué en mars à son entretien annuel de suivi alors qu’il avait signalé l’impact sérieux de sa charge de travail et le non‑respect ponctuel du repos hebdomadaire au cours de l’exercice précédent ;
  • l’octroi de jours de récupération, le paiement des jours de dépassement du forfait et les alertes de l’employeur invitant le salarié à prendre ses jours de repos hebdomadaires ne sont pas des mesures propres à remédier en temps utile à une charge de travail incompatible avec une durée de travail raisonnable. Les juges relèvent que l’employeur était informé du non‑respect des repos hebdomadaires pendant 3 années consécutives et du dépassement significatif du nombre de jours prévus au forfait au cours de ces 3 années.

Cass. soc., 10 janvier 2024, n° 22-13.200

Dans un arrêt du même jour, la Cour de cassation juge nulle une convention de forfait jours après avoir constaté que (i) l’employeur n’a pas tenu d’entretien annuel avec le salarié afin d’évoquer sa charge de travail et que (ii) les tableaux de suivi ne reflétaient pas la réalité des jours travaillés, ne permettant pas à l’employeur de s’assurer de la compatibilité de la charge de travail avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire. Les tableaux de suivi devant être établis sous la responsabilité de l’employeur, il doit s’assurer que le salarié les remplit correctement.

Ces deux arrêts appellent à toujours plus de vigilance dans le suivi de la charge de travail des salariés en forfait jours, de façon régulière et effective.

Cass. soc., 10 janvier 2024, n° 22-15.782