JURISPRUDENCE : clé USB personnelle non connectée à un ordinateur professionnel et preuve illicite
Droit de la preuve – Vie privée du salarié – Clé USB personnelle
L’employeur peut-il consulter, hors la présence du salarié, les fichiers contenus sur les clés USB trouvées dans le bureau d’un salarié et non connectées à son ordinateur professionnel et fonder son licenciement au vu du contenu de ces fichiers ?
Règles applicables : En principe, les fichiers informatiques et les courriels non identifiés comme personnels par le salarié sont présumés avoir un caractère professionnel et l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence du salarié (Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-47.400). Tel est le cas d’une clé USB connectée à un outil informatique professionnel (Cass. soc., 12 févr. 2013, n° 11-28.649). A l’inverse, sauf risque ou événement particulier, les fichiers et courriels identifiés comme personnels ne peuvent être ouverts par l’employeur qu’en présence du salarié ou celui-ci dûment appelé (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017).
Dans un procès civil, le juge ne peut pas rejeter, par principe, un moyen de preuve obtenu ou produit de façon illicite ou déloyale. Il doit mettre en balance le droit à la preuve d’une partie et les droits des autres parties en présence et n’admettre la preuve illicite ou déloyale que si (i) sa production est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et (ii) l’atteinte portée aux droits des autres parties est strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. Ass. plén., 22 décembre 2023, n° 20-20.648 et 21–11.330).
Dans cet arrêt, la Cour de cassation juge que la consultation des fichiers contenus sur les clés USB d’une salariée non connectées à son ordinateur professionnel constitue une atteinte à sa vie privée, de sorte que les éléments de preuves issus de cette consultation sont illicites. Dès lors, pour déterminer si ces éléments de preuve sont admissibles en justice, les juges appliquent les principes dégagés dans les arrêts du 22 décembre 2023 (cf. supra).
En l’espèce, la salariée avait été vue en train de travailler sur le poste informatique d’une collègue absente puis d’imprimer de nombreux documents. Elle avait ensuite rangé ces documents dans un sac placé soit au pied de son bureau soit dans une armoire métallique fermée. Ce comportement justifiait le contrôle effectué par l’employeur sur les clés USB.
L’atteinte à la vie privée de la salariée était proportionnée dans la mesure où il existait des raisons concrètes pour l’employeur de contrôler la clé USB et que celui-ci n’avait produit en justice que les données strictement professionnelles et n’avait pas eu accès aux fichiers personnels de la salariée (le tri entre fichiers personnels et professionnels ayant été opéré par un expert mandaté par l’employeur, en présence d’un huissier de justice).
Ainsi, nonobstant l’atteinte à la vie privée, l’employeur pouvait donc produire en justice les fichiers contenus dans ces clés USB et contenant des données sensibles de l’entreprise, pour justifier le licenciement de la salariée.
Cass. soc., 25 septembre 2024, n° 23-13.992