JURISPRUDENCE : Accident du travail – Faute inexcusable de l’employeur – Admission de la preuve obtenue de façon déloyale
Un salarié soutient avoir subi des violences physiques et verbales lors d’une altercation avec son employeur. Afin de démontrer le caractère professionnel de l’accident et l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur, il produit l’enregistrement réalisé lors de cette altercation, à l’insu de l’employeur.
L’enregistrement réalisé par un salarié à l’insu de l’employeur est-il recevable dans le cadre d’une action en reconnaissance d’un accident du travail et d’une faute inexcusable de l’employeur ?
Règle applicable : Dans un procès civil, le juge ne peut pas rejeter, par principe, un moyen de preuve obtenu ou produit de façon illicite ou déloyale. Il est tenu de mettre en balance le droit de la preuve d’une partie et les droits des autres parties en présence.
Ainsi, la preuve illicite ou déloyale n’est recevable que si sa production est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et si l’atteinte portée aux droits des autres parties est strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. Ass. Plén., 22 déc. 2023, n° 20-20.648 et n° 21-11.330).
Pour juger recevable l’enregistrement obtenu de manière déloyale, la deuxième chambre civile relève que :
- sa production est indispensable à l’exercice par la victime de son droit à voir reconnaitre le caractère professionnel de l’accident résultant de l’altercation et la faute inexcusable de son employeur à l’origine de celle-ci. La victime pouvait en effet légitimement douter pouvoir se reposer sur les témoignages des témoins, liés à l’employeur soit par un lien de subordination (salariés) soit par un lien économique (associé) ;
- l’atteinte portée à la vie privée de l’employeur est strictement proportionnée au but poursuivi, à savoir établir la réalité des violences intervenues au sein de la société, dans un lieu ouvert au public.
Cass. civ. 2ème, 6 juin 2024, n° 22-11.736