FLASH SOCIAL – JURISPRUDENCE : Opposabilité aux salariés d’un code de conduite annexé au règlement intérieur de l’entreprise

7 mai 2021

Faits :

Un salarié occupant un poste de direction au sein d’une banque conteste devant la juridiction prud’homale son licenciement intervenu le 6 juillet 2015 pour non-respect du code de déontologie applicable au sein de la société. Celui-ci imposait aux salariés des obligations en termes de conformité et de contrôle, notamment la production par chacun des collaborateurs des relevés de compte titres. En dépit de multiples relances de la société, le salarié avait refusé de fournir les documents demandés.

Les juges du fond ont débouté le salarié de ses demandes ; celui-ci a alors formé un pourvoi en cassation contestant l’opposabilité du code de déontologie. Il estimait qu’un document, édictant des règles éthiques destinées à gouverner la conduite des salariés et susceptibles d’être sanctionnées par l’employeur, ne pouvait être imposé aux collaborateurs du seul fait qu’il ait été soumis aux règles de forme et de publicité du règlement intérieur, dès lors que le règlement intérieur n’avait pas été formellement modifié par l’annexion de ce document.

Réponse de la Cour de cassation :

La Cour de cassation rejette le pourvoi du salarié, après avoir rappelé que :

  • le Code monétaire et financier impose aux prestataires de services d’investissement de mettre en place des règles et des procédures internes, notamment concernant les transactions personnelles des salariés, et de les intégrer au règlement intérieur ;
  • les dispositions de l’article L. 1321-5 du Code du travail selon lequel « les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 du Code du travail sont, lorsqu’il existe un règlement intérieur, considérées comme des adjonctions à celui-ci. Ils sont, en toute hypothèse, soumis aux dispositions du présent titre ».

Elle en déduit qu’un document comportant des règles déontologiques – s’il a fait l’objet des formalités prévus par les textes pour l’adoption du règlement intérieur (avis des institutions représentatives du personnel, transmission à l’inspection du travail, formalités de dépôt et publicité) – constitue « une adjonction au règlement intérieur », et est opposable aux salariés à la date de son entrée en vigueur.

Apport de l’arrêt :

Un code d’éthique ou de déontologie comportant des obligations générales et permanentes est opposable aux salariés, à condition que l’employeur ait suivi la procédure applicable à la modification du règlement intérieur (C. trav., L. 1321-4).

Un tel document constitue alors une adjonction au règlement intérieur sur laquelle l’employeur peut se fonder pour sanctionner un salarié. Cette solution est logique au regard de la rédaction de l’article L. 1321-5 du Code du travail, qui prévoit que peut constituer une adjonction au règlement intérieur existant, non seulement les notes de services mais également « tout autre document ».

La règlementation interne de l’entreprise ne se cantonne donc pas au règlement intérieur.

Ce « bloc règlementaire », construit tantôt à l’initiative du législateur (code de conduite « définissant et illustrant les différents types de comportements à proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic d’influence » issu de la loi « Sapin II »), tantôt à l’initiative des entreprises (chartes éthiques, codes de conduite, dispositifs d’alerte professionnelles), a force obligatoire, sous réserve du respect de la procédure de modification du règlement intérieur.

Si ces documents ne sont pas intégrés dans le règlement intérieur stricto sensu, ils en constituent des adjonctions, sous réserve que ce dernier préexiste dans l’entreprise.

Réf. : Cass. soc., 5 mai 2021, n° 19-25.699 (FS-P)