FLASH SOCIAL – JURISPRUDENCE : INOPPOSABILITÉ DES ENREGISTREMENTS DE VIDÉOSURVEILLANCE ET PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ
Faits :
Un salarié a été licencié pour faute grave. Son employeur lui reprochait de s’être volontairement lacéré le bras à l’aide de morceaux de verre et offrait de prouver ces faits au moyen d’images captées par un dispositif de vidéo-surveillance. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale notamment pour contester son licenciement, estimant que les enregistrements vidéos avaient été obtenus par le biais de procédés illicites et constituaient donc des moyens de preuve déloyaux.
La cour d’appel a donné raison au salarié en jugeant que son licenciement n’était pas fondé. Les juges du fond ont considéré les enregistrements vidéos inopposables au salarié dès lors que le dispositif d’enregistrement vidéo n’avait pas fait l’objet d’une information complète à son égard et ne respectait pas le principe de proportionnalité.
L’employeur a formé un pourvoi, rejeté par la Cour de cassation qui approuve le raisonnement des juges du fond.
Apports de l’arrêt :
- Se fondant sur l’article L.1121-1 du Code du travail, la Haute Cour estime que la surveillance constante par une caméra d’un salarié exerçant seul son activité constitue un dispositif « attentatoire à la vie personnelle et disproportionné au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens ».
Les enregistrements issus de ce dispositif ne sont donc pas opposables au salarié. - Dans cet arrêt, la Cour de cassation se prononce dans le même sens que la CNIL qui avait considéré que « le placement sous surveillance permanente des salariés à des fins de localisation est attentatoire à leur vie privée. […] le fait de filmer en continu le poste de travail d’un salarié est disproportionné, sauf circonstance particulière tenant, par exemple, à la nature de la tâche à accomplir » (Déc. CNIL 5 nov. 2019, n°MED 2019-025).
Dans l’arrêt du 23 juin 2021, la chambre sociale précise qu’un tel dispositif n’est pas justifié lorsque le salarié exerce seul son activité et n’est pas proportionné au but recherché. La seule finalité d’assurer la sécurité des personnes et des biens ne doit pas permettre d’enregistrer les activités des salariés sur un poste de travail déterminé ou de contrôler les salariés dans l’exercice de leurs fonctions (Cass. soc., 18 nov. 2020, n°19-15.856). - Il ressort également de la décision de la Cour de cassation qu’une information complète doit être délivrée au salarié en cas de recours à la vidéosurveillance. Le défaut d’information sur la personne destinataire des images et des modalités concrètes de l’exercice du droit d’accès dont disposent le salarié rend inopposable au salarié les enregistrements issus du dispositif (V. aussi : Cass. soc., 10 janv. 2012, n°10-23.482).
- Pour être licite, un système de vidéosurveillance doit être porté à la connaissance des salariés (C. trav., art. L. 1222-4), en contenant certaines informations dont :
- les finalités du traitement installé ;
- la durée de conservation des images ;
- le nom ou la qualité et le numéro de téléphone du responsable/du délégué à la protection des données (DPO) ;
- l’existence de droits « Informatique et Libertés » (droits d’accès et de rectification notamment) ;
- le droit d’introduire une réclamation auprès de la CNIL ;
- la base juridique du traitement ;
- les destinataires des données personnelles, y compris ceux établis hors UE ;
- la durée de conservation des données à caractère personnel ou, à défaut lorsque ce n’est pas possible, les critères utilisés pour déterminer cette durée (Doc. CNIL, « La vidéosurveillance-vidéoprotection au travail », 27 nov. 2019 ; RGPD, art. 13 ; Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, art. 104).
Le CSE doit également être informé et consulté préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés (C. trav., art. L. 2312-38, al. 3).